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Et cette cédille que je ne saurais voir...

Les lecteurs de l'Inter Guide de la Haute-Loire, en arrivant à la notice consacrée à St-Pal, ont dû se frotter les yeux : La Localité ne s'était-elle pas scindée en deux ? En un St-Pal en CHALENCON et St-Pal en CHALENÇON. A y regarder de près, la répartition semblait. S'être faite à peu prés à égalité. Si un recoupement laissait entendre que le maire continuait bien à administrer St-Pal en CHALENCON, le Syndicat d'initiative, lui, exerçait ses activités au profit, de CHALENÇON. Le commerce se partageait : quincaillerie, boucherie, garage, transport et Combustibles restaient groupés dans le St-Pal en CHALENCON, tandis que la confection et l'hôtellerie avaient émigré dans celui de CHALENÇON. La porte Nord reproduite par l'Inter Guide était, celle de CHALENÇON, mais on peut, penser que par compensation la porte Sud, si elle y avait figuré, aurait été celle de CHALENCON Infortunés visiteurs ! Comment pourraient-ils s'y reconnaître ?

De cette cédille, qui de plus en plus s'étale impudemment au grand jour, un historien régional, dont le bon goût égale l'information, remarquait qu'elle avait quelques chose d'obscène. Le terme correspond à merveille à l'impression produite, une impression que d'instinct l'on ressent plus qu'on ne l'analyse et qui tient peut-être à un rapprochement inconscient avec... caleçon. Ne serait-on pas tenté de s'écrier, en parodiant un vers célèbre : Cachez cette cédille que je ne saurais voir...?

Où et quand a-t-elle pris naissance, il est malaisé de le préciser. Le certain, c'est que durant des lustres, à la fin du siècle, elle a mené une existence obscure, larvaire, ne ce déployant un instant que pour retomber aussitôt dans les parties honteuses de l'ombre dont parle le poète. Puis, un beau matin, sûre d'elle-même, gonflée de venin, elle s'est exhibée sans vergogne en pleine lumière. Cela s'est passé peu après la première guerre mondiale, grâce à la complicité des P.T.T, à qui il prit fantaisie de se donner un nouveau cachet où CHALANCON s'adonnait d'un incroyable appendice. Stupéfaction de ceux qui gardaient un reste de culture. Mais protestations, remontrances, rien n'y fit. Les cachets se sont renouvelés ; ils sont passés de CHALANCON à CHALENCON, de de à en, la cédille, elle est restée. Tout au plus a-t-elle consenti à se faire moins arrogante, au point de n'être plus parfois qu'un embryon, un soupçon de cédille. Rendons, par ailleurs aux P.T.T cette justice : avec un bel illogisme, leur Almanach ne connaît dans sa nomenclature des communes, que St-Pal en CHALENCON. Comme le font aussi les cartes routières et la récente et admirable carte d'état-major au 25 000°.

Hélas ! L'immonde cédille a trouvé un allié de choix dans les Ponts et Chaussées. Au Nord, au Sud, au levant, au couchant, sur toutes les plaques indicatrices, c'est actuellement un déferlement déshonorant de ç, tous munis de leur ignoble appendice caudal. Un temps, ST-ANDRE, fut épargné. Cette faveur ne pouvait durer. à lui aussi, on a flanqué sa cédille, passé de force son caleçon. A quand le tour du château de CHALANÇON ? Ne désespérons pas de voir, par une belle nuit d'été, au-dessous des vestiges brillamment illuminés de la vieille cité féodale, flamboyer dans le ciel, comme le sceau de la Bête de l'Apocalypse, l'obscène cédille.

Dès lors, les jeunes Amis de ST-PAL ne seraient-ils pas excusables d'aucuns diraient bien avisés s'ils s'armaient d'un pot de peinture, d'une peinture grasse et visqueuse comme la Bêtise avec laquelle ils auraient à se mesurer, et sont allaient recouvrir, sur toutes les routes, ces appendices impudents ? Ainsi vengeraient-ils l'honneur de l'illustre famille de CHALANCON, dans laquelle s'est fondue, au XV° siècle, celle de POLIGNAC, nul ne pouvant ignorer que les POLIGNAC d'aujourd'hui, du Duc au Prince RAINIER de MONACO, sont, par le sang, d'authentiques CHALANCON.

Ainsi vengeraient-ils l'honneur de leur pays. Le nom d'une patrie, tout comme celui d'une famille, n'est-il pas un patrimoine sacré, auquel personne n'a pas le droit d'attenter ? Et que diraient ces Messieurs de l'administration, si l'on s'avisait de ridiculiser le leur, et ce ne serait peut-être pas tellement difficile ? Du même coup, cesseraient d'être bafoués le bon sens, le dictionnaire, l'étymologie. Car le CHALANCON auquel ST-PAL doit son déterminant n'est pas le seul, il s'en faut. Le même nom est porté, en Haute-Loire, par un. hameau de BEAUX, qui surplombe les gorges du RAMEL, et par le ravin de CHALENCON, qui se creuse au sud-ouest de BAS. Il l'est aussi par un chef-lieu de commune de l'Ardèche, un autre de la Drôme. Il se retrouve à USSON dans le diminutif CHALANCONNET, et à St-JULIEN -MOLHESABATE Dans la Chalenconnière. Alors pourquoi, deux poids, deux mesures ? La cédille à tous ou à personne !

En fait, ce vocable n'a rien de mystérieux. Il n'est pas autre chose que 1'équivalent normal des termes provençaux bien connus calanco, calancoun désignant un versant abrupt, un escarpement. Calanc est ainsi le nom donné à chacun des sommets des Alpilles et l'on sait que le Français a emprunté, dans un son un peu différent, le féminin calanque. Tous ces termes représentent un radical antérieur aux gaulois kala, désignant le rocher, suivi d'un suffixe non moins ancien " anko ". La graphie traditionnelle avec a, CHALANCON, est donc préférable et c'est celle que recommandent les Amis de St-Pal.

La préposition pose un délicat problème. Faut-il dire de CHALENCON ou en CHALENCON ? Dès l'apparition, vers le XV° siècle, du déterminant destiné à distinguer notre St-Pal des autres, c'est de qui est employé. Mais bientôt ce de entre en concurrence avec en, qui a fini par prévaloir ces dernières années, sans doute par raison d'euphonie (afin d'éviter la succession de trois consonnes) tandis que la même raison (ici, éviter l'hiatus) a maintenu de après St-ANDRE.
L'emploi de "en" comporte malheureusement un grave inconvénient, celui d'être illogique. "En" signifie dans et convient parfaitement quand il s'agit d'une province, d'une région . FOREZ, ST-DIDIER-en-VELAY, TARDENOIS, etc.... Or il va de soi que CHALANCON n'est pas un pays dans lequel ST-PAL serait englobé.

On a donc proposé une autre interprétation de "en". Celle qui en ferait, non une préposition, mais l'ancien titre méridional de noblesse, équivalent de messire, tel qu'il est conservé dans l'expression ROCHE -en-REGNIER, qu'il faut entendre comme la roche fortifiée de messire REGNIER.

Deux raisons semblet'il s'opposent à cette interprétation.

L'emploi de en comporte malheureusement un grave inconvénient, celui d'être illogique. "En" signifie dans et convient parfaitement quand il s'agit d'une province, d'une région : USSON en FOREZ, St DIDIER en VELAY, FERE en TARDENOIS, etc. Or il va de soi que CHALANCON n'est pas un pays dans lequel St-Pal serait englobé.

On a donc proposé une autre interprétation de "en". Celle qui en ferait, non une préposition, mais l'ancien titre méridional de noblesse, équivalent à de "messire", tel qu'il est conservé dans l'expression ROCHE "en" REGNIER, qu'il faut entendre comme la roche fortifiée de messire REGNIER. Deux raisons, semble-t-il, s'opposent à cette interprétation. La première, c'est que En précède normalement un nom de baptême, non un nom de famille emprunté à une terre. La seconde, c'est que le déterminant "en" - CHALANCON n'apparaît qu'au XVIe siècle, époque où ce titre est sorti de l'usage, et où l'emploi d'un déterminatif construit sans préposition ne se rencontre plus que dans des expressions toutes faites héritées d'un lointain passé : Hôtel-Dieu, bains-Marie, etc.

La préposition "de" n'est plus elle-même très claire. Contrairement à ce qui se passe pour St-ANDRE, elle ne saurait impliquer une idée de subordination de St-Pal à l'égard de CHALANCON. Seigneuries et mandements, on le sait, sont toujours restés indépendants les uns des autres, même lorsqu'ils se trouvaient réunis dans les même mains, chacun gardant sa justice, sa cour, ses officiers. On ne peut donc entendre ici le terme de CHALANCON que de la famille qui, ayant pris le nom de sa terre, hérita ensuite de celle de St-Pal, et suppléer : St-Pal (terre de la famille) de CHALANCON. Ce déterminant, on le voit, est assez laborieux.

On ne se tromperait sans doute guère en supposant qu'il a dû être l'oeuvre des Bénédictins de la CHAISE-DIEU. Ceux-ci, de qui relevaient également les prieurés de St Pal de Murs et de St Pal de Mons, devaient de toute nécessité les distinguer sur leurs registres et dans leur pensée. On comprend sans peine qu'ils aient étendu à notre St-Pal un mode de détermination qui convenait fort bien aux deux autres, englobés effectivement qu'ils étaient dans les seigneuries de MURS et de MONS où se dressaient les châteaux forts.

Tout comme en a recommandé la graphie par "a", on recommandera donc aussi l'expression St-Pal de CHALENCON, qui seule peut offrir un sens plausible.

Néanmoins pour juger équitablement du passé, il importe de se remettre dans l'ambiance de l'époque. En 1876, les ressources des particuliers et des collectivités étaient des plus réduites et des économies strictes s'imposaient aux uns et aux autres. Il ne serait certes venu à l'esprit de personne d'engloutir par millions l'argent des contribuables dans la construction d'une piscine pour jeunes oisifs (il n'y avait, d'ailleurs pas, en ce temps-là, de jeunes oisifs, et c'est pourquoi la France sortit victorieuse en 1918 de la plus terrible des guerres) ou dans la rectification de tournants d'une visibilité convenable. Il ne pouvait donc être question pour la municipalité et de transformer l'ancienne cure et d'acheter la partie du château mise en vente. Or si celle-ci avait été acquise par des particuliers, nul n'aurait plus eu sur elle le moindre droit de regard.

D'un autre côté, le problème qui se posait était tout nouveau. Avant la Révolution, la cure n'avait guère à recevoir que le curé-prieur. Le vicaire et le secondaire, appartenant à la société de prêtres, tous obligatoirement originaires de la paroisse, possédaient d'ordinaire, sinon une maison particulière, du moins une pièce ou deux dans la demeure familiale, où ils continuaient à vivre. Tout avait changé avec l'introduction de la centralisation et du fonctionnarisme (ces deux plaies d'égypte) dans l'église, comme dans l'état. Des pièces leur furent donc réservées à l'étage. Elles étaient desservies celles du premier vicaire par un escalier ménagé contre le mur de l'église, celles du second vicaire, par le grand escalier de pierre.

La municipalité, il va sans dire, n'avait rien à prévoir pour un éventuel prêtre habitué. Néanmoins, lorsque l'abbé Ambroise PAYRARD, après avoir exercé la majeure partie de son ministère à St-Pal, dut céder aux infirmités de l'âge et se retirer, elle mit volontiers à sa disposition les autres pièces de la tour ouvrant, elles aussi, sur le grand escalier (porte à gauche de celle du second vicaire) qui ont gardé, depuis lors, le nom de ce saint prêtre. Mais ce n'était là qu'une concession personnelle. Aussi le Conseil municipal, réuni le 17 février 1907, pour délibérer, conformément à la nouvelle législation, de la location du presbytère au curé de la paroisse, M. CHAUDIER, eut-il soin de spécifier ce qui suit :
  1. La Commune se réserve le local appelé la Fonderie, actuellement inoccupé.
  2. Lorsque le logement de M. l'abbé PAYRARD reviendra vacant, la Commune en prendra possession, ainsi que de la chambre de M. l'abbé SOUVIGNET qui se trouve dans la tour ; en compensation la Commune cédera à M. CHAUDIER la Fonderie.

Précisons que la Fonderie, ainsi appelée parce qu'on y fondait les cierges d'église, donnait sur la place, et qu'une fois réparée elle reçut le nom de chambre de l'évêque, d'après sa destination lors des tournées de Confirmation. Quant à la Chambre de l'abbé SOUVIGNET, alors second vicaire, elle n'était qu'une annexe de son appartement. Cependant, à la mort de l'abbé PAYRARD, la municipalité ne se hâta pas d'exercer son droit. Sans doute lui répugnait-il d'affecter à des usages profanes des pièces où avait pieusement vécu et était mort en odeur de sainteté un prêtre vénérable, devant le lit funèbre de qui la plupart des paroissiens avaient tenu à défiler, non sans subtiliser parfois en guise de reliques, des fragments de sa soutane. Sans doute aussi, n'en avait-elle guère besoin. Il n'y avait alors ni Fanfare municipale, ni Syndicat d'initiative, ni Minorettes en quête d'un local. Heureuse époque où point n'était nécessaire de s'arc-bouter pour survivre, en s'efforçant d'attirer au moins visiteurs et touristes !

Puis la guerre survint et la tolérance se prolongea. L'appartement de la tour servit, à l'occasion, à loger l'un des prédicateurs, lors des missions paroissiales, voire à accueillir un temps un prêtre retiré.

Depuis lors, il n'y a plus hélas ! Ni premier, ni second vicaire. Et du train où vont les choses, il risque fort de n'y avoir bientôt pas plus de curé à St-Pal qu'à BOISSET ou à Saint-André, qui naguère encore avaient un vicaire.

Espérons du moins que si cette fâcheuse éventualité se réalise, la Municipalité saura affecter le château à des usages dignes de lui.

Site de Saint Pal de Chalencon (43500)
réalisé par Fabien PRORIOL
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